LE CAS HANSI !
1900-1918
Polémiste, caricaturiste, artiste, arriviste, propagandiste, publicitaire, aquarelliste, agitateur
Mais qui est Hansi ? Et comprenons-nous vraiment son parcours initial ?
Hansi… Ce n’est pas la paysannerie, ce n’est pas l’art populaire du musée au quai Saint-Nicolas à Strasbourg, ni des coutumes ou des traditions d’Alsace, ce n’est pas non plus du modernisme social, ni de l’humanisme, ce n’est pas une ouverture culturelle…
… Hansi, c’est un temps que l’on veut oublier ou plutôt un esprit vengeur d’une époque qui n’est plus la nôtre.
C’est sans aucun doute le cas le plus pathologique de l’art alsacien. Une sorte d’anti-art local qui semble trop souvent primer sur tout le reste. Et quel reste ! Ce reste va de Théophile Schuler, en passant par Lothar von Seebach, Charles Spindler, Joseph Sattler, jusqu’à Luc Hueber, Martin Hubrecht, Marcelle Cahn et Frédéric Fiebig, c’est-à-dire depuis la période du Reichsland jusqu’en 1960 – soit environ 90 années de création en Alsace, qui ne peuvent pourtant pas se résumer à Jean-Jacques Waltz (dit Hansi).
Hansi sert souvent de référence à cette période du Reichsland d’Alsace-Lorraine (voir L’Express, septembre 2009 – Strasbourg en 1900), pourtant il est venu bien tard, à partir de 1907, comme un boulet de canon, clore de manière peu heureuse cette grande période de création artistique locale.
Cette période est bien plus marquante par l’œuvre gigantesque de Charles Spindler qui est l’artiste de cette époque. Il a forgé l’iconographie alsacienne durant un siècle. Cette iconographie est demeurée longtemps dans les esprits et a été reprise par de nombreux artistes de tous horizons. Faut-il aussi rappeler ses initiatives dans l’Art Nouveau et ses contacts étroits avec les plus grands créateurs de son temps.
Les mémoires de Spindler indiquent qu’un ensemble d’artistes alsaciens ont oeuvré pour davantage d’ouverture, pour faire tomber les barrières culturelles, politiques, sociales en Alsace, par le dialogue, les échanges, au lieu de s’orienter vers la lutte politique, la subversion et la confrontation.
Mais nous pensons bien évidemment aussi à de très nombreux artistes alsaciens qui ont œuvré dans différents mouvements artistiques comme l’Impressionnisme, le Jugendstil, la Neue Sachlichkeit (La nouvelle Objectivité), etc. Tous ces artistes représentent également une autre Alsace au cœur de l’Europe, avant-gardiste, et surtout plus vraie.
Il est absolument révoltant de voir encore dans les librairies, chez les éditeurs, des énièmes publications de Hansi. Un artiste qui a dépeint une fausse Alsace dans son ouvrage « Le Paradis Tricolore » qui sent bon le nationalisme exacerbé. Sous des traits de dessins pour enfant, touchants de naïveté, se cache des diatribes racistes qui ne devraient plus être publiées en 2014 !
Alsaciennes dans le Paradis Tricolore
Elles cachent un anti-germanisme nauséabond que véhiculent encore ces ouvrages de nos jours. Aucun autre pays n’oserait publier des caricatures de ce ton. Seule la France et l’Alsace affichent encore ceci dans leurs rayons de librairies ; au nom d’une tradition ? Mais de quelle tradition s’agit-il ?
Offrir de tels ouvrages à lecture pour des enfants est plus que déconseillé pour la formation de notre jeunesse qui vit dans l’espace européen ouvert. Feindre d’ignorer le message que véhicule Hansi relève de la crédulité ou de la discrète sympathie pour une idéologie plus que condamnable.
Et ce coup de trait justement, derrière l’illustration pour l’enfance, derrière ces belles couleurs, les idées sont là. La végétation elle-même participe du procédé de Hansi, où un phénomène climatique unique au monde fait durer le printemps du 1er janvier au 31 décembre. Ah, le printemps alsacien de Hansi… Le tourisme alsacien en a usé et abusé, en faisant abstraction de la diversité de ce territoire que nous semblons redécouvrir.
Mais sans doute ces dessins agréables et enfantins font plus facilement passer ces messages d’un autre temps. Ils assouplissent un discours inavouable et expliquent peut-être la longévité incroyable des ouvrages de Hansi.
Hansi n’est en vérité qu’un simple segment, certes hautement polémique, nationaliste et clairement raciste de l’art en Alsace. Dans la construction européenne d’aujourd’hui, peut-on encore célébrer un artiste aux discours bellicistes ? Il est paradoxal que l’Alsace se plaise à faire survivre un artiste à l’idéologie guerrière, raciste, alors que depuis 1945, nos états et de nombreuses personnalités ont combattu pour le rapprochement des peuples européens ! C’est un non-sens historique majeur.
Le parcours de Hansi est lui-même pathologique. Il ne perce pas immédiatement dans la scène artistique locale, ce n’est qu’à l’âge de 34 ans qu’il fit grand bruit. Et quel bruit…
Il a été longtemps un anonyme dans ce milieu artistique alsacien, qui était très puissant et de haute qualité. Les premières œuvres de Hansi ne révèlent pas un talent inné, bien au contraire. Ses premières aquarelles montrent un dessin heurté, des teintes hésitantes et une palette pauvre en couleurs. Hansi est très loin de la qualité artistique de ses confrères, comme Charles Spindler ou Léo Schnug. Son œuvre de jeunesse révèle avant tout l’amateurisme de son art et explique pourquoi Hansi a pris longtemps avant de s’incruster sur la scène artiste locale. Hansi fera feu de tout bois, et les flèches qu’il décocha étaient aussi pour ses collègues artistes, comme Léo Schnug, Gustave Stoskopf ou Henri Beecke, qui oeuvraient davantage dans un rapprochement culturel plutôt qu’à une opposition frontale.
Hansi a démarré par le dessin industriel pour l’industrie textile, puis illustrait pour la petite bourgeoisie locale de Colmar des menus, des programmes, des cartes postales.
Il livrait des dessins pour le Philharmonique de Colmar, pour la Société de bienfaisance, pour le Théâtre de la ville… Il est à noter que les premières amours de Hansi se situaient paradoxalement dans le Jugendstil allemand ou le Modern Style de Walter Crane. Hansi, qui en ce temps-là signait encore Jean-Jacques Waltz, n’était pas un précurseur de l’Art Nouveau. Il suivait la mode de cette époque entre 1898 et 1905. Il abandonna rapidement ce style vers 1906-1907 lorsque sa carrière de polémiste gonfla subitement. Il alla jusqu’à renier ce style dans ses propres œuvres (Le Tout Hansi, page 182 – Colmarer Bedürfniss-Anstalt), comme quoi on peut trahir ses passions… en tout cas Hansi le put.
Le tournant majeur de l’œuvre de Hansi intervient vers 1906-1907 avec l’apparition du personnage du professeur Knatschké.
A-t-il vraiment créé ce personnage ? Comme nous avons pu le voir, Hansi s’est très longtemps cherché. Il était à la croisée des chemins, entre une carrière polémiste ou la poursuite d’un art sobre et peut-être beaucoup plus discret avec son ouvrage « Tours et Portes d’Alsace » de 1907. Il a fait sa première apparition publique comme caricaturiste dans la revue étudiante de pharmacie H2S – Haszweiss entre 1906 et 1907.
Hansi imitait d’ailleurs pour le coup une illustration de Paul Braunagel qui avait paru en février 1906 dans le programme du Bal des Artistes strasbourgeois. Étrangement, l’illustration de Hansi ressemble en certains points à celle de Braunagel.
Il est à noter que le coup de trait de Braunagel était bien plus adroit. Il dessinait d’un jet à l’encre des bouilles touchantes. Il avait ce don de capter les regards, les mimiques, et relevait les travers de la société alsacienne, sans verser dans la caricature niaise et la plate critique germanophobe. Il avait justement cette impartialité et un jugement objectif qui font de son art une véritable source d’inspiration ethnographique de l’Alsace autour de 1900.
Le travail de Hansi s’inscrit davantage dans le contexte antérieur à la Première Guerre mondiale. Depuis 1905, les relations franco-allemandes se sont terriblement dégradées : crise de Tanger en 1905, crise du Maroc en 1906, l’inauguration du monument de Wissembourg 1909, crise d’Agadir 1911 et l’affaire de Saverne en 1913.
Mais qui est le professeur Knatschké ? C’est un « alt-deutscher » (vieil-allemand) comme on précisait à l’époque. A contrario, cela signifiait que les Alsaciens étaient des « jung-deutsche » arrivés très récemment dans l’Empire allemand, afin de marquer une certaine différence non dénuée de sens. Et pour cause, l’Alsace redevient allemande en 1871.
Knatschké est un professeur qui serait l’archétype du savant allemand, du professeur des écoles, comme l’ennemi juré de Hansi, Karl Gneisse (1857- après 1918), professeur de lettres, proviseur du lycée de Colmar à partir de 1907.
Hansi construit son personnage-clé en randonneur, les bottes cloutées, le sac-à-dos, la tenue « vert sapin », les binocles et le fameux chapeau tyrolien à plume.
Sans doute, Hansi a voulu aussi marquer son dédain au monde universitaire strasbourgeois de l’époque, dont l’une des tâches était de germaniser une province trop francophile, a fortiori un sérieux frein à l’assimilation de l’Alsace dans l’Empire allemand. Nous pensons à plusieurs personnages qui ont pu contribuer à nourrir sa haine, tel que Julius Euting, éminent orientaliste, mais aussi président du Club Vosgien depuis 1876, Ernst Polaczek, professeur d’histoire de l’art né en Bohême, Georg Dehio, né à Tallinn, également professeur d’histoire de l’art, Hubert Janitschek né à Troppau en Silésie, … ces fameux faméliques venus de loin piller l’Alsace ! Le vrai Hansi est un champion de la francophilie, dans un monde d’hyper-patriotes où les nationalismes s’affrontaient et qui franchement ne font pas rêver, ni à droite, ni à gauche du Rhin. Surtout lorsqu’on pense à la Première Guerre mondiale et ses conséquences. Depuis Colmar, avec son père André Waltz, bibliothécaire, Hansi lance une contre-offensive culturelle. Mais pour cela, Hansi est absolument un homme de son temps.
Certes, le contexte socio-politique de l’Alsace du Reichsland explique les caricatures de Hansi. Le pouvoir allemand avait restreint sérieusement l’enseignement de la langue française, les postes clés de l’administration et du pouvoir étaient distribués aux fidèles de l’Empire, principalement des Allemands. Les Alsaciens et la bourgeoisie locale souffraient amèrement d’être écartés des affaires alsaciennes et ils le leur rendaient bien.
Alors, on peut comprendre l’engagement de Hansi et sa lutte contre le militarisme prussien, contre une société de castes, de fonctionnaires allemands, de l’arrogance d’une élite allemande grisée par le succès, trop sûre d’elle et en dehors des réalités sociologiques de l’Alsace de la Belle Époque.
Comme nous le signalions plus haut, Paul Braunagel avait déjà dressé des caricatures du professorat étriqué, également Henri Loux pour l’illustration de la pièce « D’r Herr Maire » de Gustave Stoskopf pour la faïencerie de Sarreguemines. D’ailleurs, l’inspiration de ce personnage type venait même d’outre-Rhin, dans les revues « Die Jugend », « Der wahre Jacob » ou « Simplicissimus ». L’auteur Benoît Bruant le signale à juste titre dans son ouvrage « Hansi, l’artiste tendre et rebelle ».
Dans l’Empire allemand (1871-1918), tout comme dans la Troisième République française (1870-1940), le professeur est l’un des modèles d’ascension sociale par excellence. Il incarne le savoir, la science et donc le progrès, mais il est aussi la figure locale de l’administration. Il est logique de trouver dans l’Allemagne wilhelminienne des caricatures de ce fonctionnaire fidèle à l’État, qui incarne aussi une société de castes. On pourrait presque envisager le professeur de cette époque comme le commissaire politique sous la dictature soviétique. Cette caricature n’a rien d’extravagant, mais chez Hansi, elle dépasse le simple clivage des castes sociales et se déporte vers un racisme biologique par les innombrables portraits qu’il a livrés de son personnage favori. La masse en est presque émétique.
Ce fameux professor Knatschké fut recyclé maintes fois par Hansi, dans les Vogesen-Bilder (1908), Die Hohkönigsburg im Wasgenwald und Ihre Einweihung (1908), Die Westmarken (1911), Professeur Knatschké (1908, 1913), …
Très rapidement Hansi perdit le contact avec les autochtones qui ne voulaient pas subir les foudres allemandes, ni rentrer dans des polémiques qu’ils ne partageaient pas entièrement.
Il trouva son salut et sa gloire à Paris, chez l’éditeur Floury, en France auprès des milieux nationalistes revanchards qui, de Paul Déroulède à Maurice Barrès, conduiront la France vers la guerre en 1914.
Son évasion, ou plutôt sa fuite, est romancée et fait vendre. Un héros des temps modernes est né : pas le sabre au clair, ni prise d’un fort, pas de bataille gagnée, non, mais une histoire rocambolesque qui fait vendre, et pas n’importe quoi, la « Propagande ».
Malheureusement, Hansi et son acolyte Zislin ont créé la propagande moderne, avec les progrès technologiques de cette époque. On entre de plein pied dans ce XXe siècle, l’ère des propagandes fascisantes n’était plus très loin.
Car, peut-on être fier de Hansi lorsqu’il réalise les illustrations des faméliques ou le passage du Rhin ?… Il s’agit bien de déportation des temps modernes, bien d’autres suivront évidemment. Mais cet exemple a eu lieu en France en 1918. Certes, on nous dira qu’il s’agissait d’une époque, effectivement d’un temps lointain, mais tout de même, il faut interroger sa conscience.
Après guerre, il faut pourtant saluer son effort constant, qui finissait par lui faire un petit triomphe dans la maîtrise de l’art de l’aquarelle, vers 1910 à 1940, où il posait pour la première fois de sa vie des œuvres plus sûres. L’influence de l’œuvre d’Henri Martin, peintre postimpressionniste, est flagrante et nous montre un Hansi bien plus adroit qu’auparavant. Si seulement il s’était attaché à être un artiste – l’art pour l’art – et rien d’autre – sans doute aurait-il pu faire des étincelles et il serait moins ringard aujourd’hui.
Nous citons tour à tour deux artistes alsaciens qui ont donné leur opinion sur l’œuvre de Hansi :
• Charles Spindler : Mais nous voilà loin de Hansi. Sa caricature du professeur Gneisse lui valut d’être poursuivi, et comme il était passé maître en réclame, il exploita avec succès sa condamnation. Le professeur Knatschké – dont le titre est une déformation du Platschke, héros d’une pièce de Stoskopf parue huit ans auparavant – fonda sa réputation de dessinateur satirique. Un de ses amis m’a affirmé que le texte n’était pas de lui, mais je ne me rappelle plus le nom qu’il me désigna. Chose curieuse, en dépit de la tendance anti-allemande du livre, les illustrations de Hansi n’ont rien de français : elles sont aussi lourdes que le personnage du livre et sont inspirées directement, pour ne pas dire démarquées, du dessinateur Heine du « Simplicissimus ». Le texte réédite toutes les blagues courantes contre les professeurs qui ont amusé pendant des générations les lecteurs des « Fliegende Blätter » et des autres feuilles satiriques allemandes. Beaucoup mieux que l’auteur du Knatschké, Julius Stinde dans sa « Famille Buchholz » avait analysé et persiflé ce genre de type. Or, ce livre avait eu beaucoup de succès en France dans les années 1880, et si le Knatschké a retrouvé le même succès, il en a été redevable d’abord à l’oubli dans lequel Stinde était tombé, et ensuite à la faveur dont ce genre de plaisanterie facile contre les Allemands jouissait à une époque où ils menaçaient par leurs bravades le repos de l’Europe. C’était une petite vengeance et une satisfaction pour le sentiment patriotique des Français, mais si en entrant dans une guerre contre les Allemands, les Français ont cru trouver devant eux des Knatschké, les premiers combats ont dû vite les détromper. Le reproche qu’on peut faire à Hansi, c’est de s’être dérobé au devoir incontestable de l’Alsacien de faire le médiateur, d’avoir feint d’ignorer les qualités des Allemands et d’avoir exagéré leurs travers, aux dépens de la vérité. Sous ce rapport, son influence a été néfaste, et elle l’est encore devenue davantage depuis la guerre, car il a voué la même haine aux Alsaciens qui ne sont pas de son avis. Enragé anticlérical et partisan de l’assimilation à outrance, il a traîné dans la boue aussi bien l’abbé Haegy que M. Alapetite.
• Tomi Ungerer : Hansi, lui, n’a vécu que devant un seul horizon, d’un bleu trouffioné, stérilisé, désexué, fictionné d’un arc-en-ciel tricolore. Non, mais quand même ! Tricolore ! Il parle de l’Alsace comme d’un paradis tricolore ! « Ein trikolorisches Paradies » ? You have to be color blind to come up with a formula like that. Mais c’est ça, Hansi, l’imagiste aveuglé par un fanatisme d’eunuque… Mais le sang de sa muse haineuse est allé faire phlébite ailleurs dans un faux folklore, du carte-postalifère. Hansi, artiste bourgeois plus petit que grand, se promène pour carte-postaliser une Alsace bonne à rassurer le bourgeois. Il n’a sans doute jamais travaillé dans une vigne ou dans une brasserie.
Que reste-t-il de Hansi ? Après les célébrations de 1914-1918, peu à vrai dire.
Il y a certes tout le fatras publicitaire, commercial, avec des stratégies marketing sur la marque Hansi, qui sont d’un goût… et ne lui rendent franchement pas service. Nous préférons alors la vraie tendresse et sincérité d’un artiste comme Guy Untereiner.
Georges Bischoff avait intitulé une contribution : « Faut-il brûler Hansi ? » Ce titre interrogatif nous indique bien le malaise que provoque Hansi. Nous n’irons pas jusqu’à rejoindre cette idée d’autodafé qui rappelle de mauvais souvenirs du Troisième Reich. Nous suggérons plutôt de faire passer Hansi dans les étagères d’une bibliothèque, au dernier étage d’un rayon, qu’il puisse patiemment prendre la poussière, pour que son œuvre ne puisse plus distiller dans notre société ce genre de pensée et que ses ouvrages demeurent dans un passé toujours plus loin. Les historiens pourront replacer à loisir, dans l’histoire de France et d’Europe, Hansi comme un homme de son temps qui n’est plus le nôtre.
Car, il ne faudrait pas oublier à quoi tout cela a débouché : la guerre, les destructions, la déportation, les morts. Qu’avons-nous gagné en Europe à nous étriper dans des mares de sang ? Aujourd’hui, les historiens ont clairement contextualisé le conflit et nous montrent que l’ensemble des belligérants ont contribué à cette catastrophe. Qui est plus responsable qu’un autre est une interrogation futile. Notre regard se porte sur l’absurdité d’une époque. L’année 1914 était déjà un avant-goût des trente années suivantes. En quelques mois seulement, une grande majorité des soldats étaient tombés. La jeunesse européenne était fauchée sur la terre brûlée du mois d’août. Nous faire croire qu’Hansi n’a pas apporté sa petite part à ces montagnes de morts est une acrobatie que nous ne risquerions pas.
Et pour conclure voici les propos de John Ruskin dans « Sesame and Lilies » :
« Aucun grand artiste ne pérore ou n’a péroré sur son art. Les plus grands s’abstiennent. Si un homme connaît son ouvrage, il n’en parle pas. Tous les mots ne deviennent pour lui que des théories nulles. Est-ce qu’un oiseau théorise la construction de son nid, ou lorsqu’il l’a accompli, fanfaronne-t-il ? Tout bon travail est essentiellement bien construit – sans hésitation, sans difficulté et sans vantardise. »
Julien & Walter Kiwior
Bibliographie :
– Charles Spindler – L’âge d’or d’un artiste en Alsace, mémoires inédites 1899-1914 – Éditions Place Stanislas, 2009
– Tout Hansi, son œuvre complète en 1500 images – Yannick Scheibling, Roland Muller – Éditions La Nuée Bleue, 2009
– Hansi l’artiste tendre et rebelle – Benoît Bruant – Éditions La Nuée Bleue – 2008
– Le siècle du Haut-Koenigsbourg – Saisons d’Alsace n°36, été 2008
– Strasbourg en 1900 – L’Express n° 3038, 24 au 30 Septembre 2009