DMC : UN SAVOIR-FAIRE ALSACIEN OU LA MONDIALISATION AVEC UN SIÈCLE D’AVANCE !
Des hommes et des femmes…
En 1764, Jean DOLLFUS démarre une manufacture de toiles peintes rue de la Loi à Mulhouse, son fils Daniel DOLLFUS dirige une autre entreprise ( Dollfus-Vetter et Cie)
Le 21 mars 1800 , Daniel, fils de Jean, fusionne la société Dollfus-Vetter et Cie avec celle de son père, décédé entre-temps, pour fonder DMC (DOLLFUS ; MIEG et COMPAGNIE) avec son épouse Anne Marie Mieg. L’aventure peut commencer, DMC est née, l’entreprise va devenir précurseur dans la révolution industrielle du 19iem siècle en jetant les bases d’un des groupes textiles européens promis à un rayonnement mondial.
Deux ans auparavant, le 15 mars 1798, « La ville libre de Mulhouse » avait voté son rattachement à la France par un référendum sous haute surveillance. À ce moment-là, la République française était sortie depuis 4 ans de la terreur et vivait sous le régime du Directoire.
C’est à DORNACH près du Steinbachlà que seront construits les premiers bâtiments à côté de vastes prés destinés au séchage des toiles de tissu imprimé.
En 1806, l’interdiction d’importer des tissus contraint DMC à se lancer dans le tissage, en 1912, une filature mécanique est installée à Mulhouse pour alimenter les ateliers de tissage qui seront mécanisés à partir de 1829.
Entre temps , à partir de 1820, ce sont les fils de Daniel DOLLFUS et d’Anne Marie MIEG, Jean Dollfuss et ses frères, Daniel spécialisé en chimie et Émile dans la filature et le tissage, qui reprennent l’entreprise familiale
Des machines et des hommes
La mécanisation de la filature du tissage et de l’impression du tissu va permettre un développement phénoménal des productions ;
Les machines à imprimer sur tissu appelées « indiennes » en référence à leur origine géographique ( L’Inde) ont évolué pour passer d’une impression monocolore en 1824 à 4 couleurs en 1850 et à 8 couleurs en 1860 c’est l’Âge d’or des tissus imprimés qui débute.
En 1850, Jean Dollfus seul maitre à bord s’associe avec son gendre Frédéric Engel
DES FILS à COUDRE et à BRODER qui feront le tour DU MONDE
Avec l’arrivée de Frédéric Engel, DMC va prendre une nouvelle dimension. L’entreprise connaitra une réussite hors du commun avec la production des fils à coudre initiée par Émile Dollfus qui a introduit le mercerisage, technique venue d’Angleterre, qui consiste à plonger le fil en coton dans un bain de la soude caustique pour le rendre plus brillant et plus solide . Cette activité fera de DMC une entreprise de renommée mondiale. Le nom de DMC sera à jamais associé à la couture , partout dans le monde les femmes, un peu moins les hommes, auront fait glisser entre leurs doigts un fil DMC.
DMC va créer un nuancier de plus de 400 couleurs qui sert encore aujourd’hui de référence dans de nombreux domaines comme celui des arts picturaux.
Le slogan de DMC est « D’un fil sans fin, on tisse un grand ouvrage » on pourrait ajouter un ouvrage sans fin
À PARTIR DE 1850 : Réussite industrielle et AMÉLIORATION DES conditions sociale
Conscient de la nécessité d’améliorer les conditions de vie de ses salariés, Frédéric -Engel décide de créer différentes structures à caractère social :
- Une caisse de secours et de retraite, des assurances collectives, un « asile de vieillards », une société d’encouragement à l’épargne, des écoles et des « salles d’asile » (ancêtres des maternelles). Il crée également un dispensaire pour enfants malades .
- Enfin, il fonde l’Association préventive des accidents de machines, à laquelle participent plusieurs fabricants. Cette association visait à prévenir les accidents de travail ; dotée d’inspecteurs, ceux-ci contrôlaient les manufactures associées.
Cette initiative a partiellement influencé la promulgation des lois de 1871 (en Allemagne) et de 1874 (en France) relatives à l’amélioration des conditions de travail des ouvriers au point de vue de la sécurité et de la salubrité.
1869 : NAISSANCE D’UNE ÉCOLE D’INGÉNIEUR
Sous l’impulsion de Frédéric -ENGEL est créé « l’ÉCOLE DE FILATURE ET DE TISSAGE DE MULHOUSE » destinée à former des dessinateurs pour l’industrie des toiles peintes, aujourd’hui cette école est devenue « L’ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE SUD ALSACE » qui forme des ingénieurs textiles
1878 : JEAN DOLLFUS ET THERESE VON DILLMONT VONT FAIRE « BRODER » LE MONDE ENTIER
Après une rencontre à l’exposition universelle de Paris en 1878 entre Jean DOLLFUS et une créatrice autrichienne THÉRÈSE VON DILLMONT. En 1888, les descendants de Frédéric Engel abandonneront l’impression sur tissu, DMC poursuivra son développement uniquement dans le fil à coudre et à broder.
1886 : THÉRÈSE VON DILLMONT, une artiste au service de l’ART POPULAIRE DE LA BRODERIE :
Cette aristocrate quittera Vienne pour s’installer à Mulhouse où elle écrira « L’ENCYCLOPÉDIE DES OUVRAGES DE DAMES » une œuvre de 802 pages à offrir, à toutes et à tous les passionnés de l’art de la broderie. Un ouvrage de référence, encore aujourd’hui, en matière de broderie éditée une première fois en 1886. Avec elle, DMC connut une période de développement planétaire et continu jusqu’au premier conflit mondial, la production atteignait 4000 tonnes de fils à coudre et à broder par an en 1914.
L’art de la broderie doit l’essentiel de son succès populaire à Thérèse Von Dillmont, à Mulhouse elle créa une école pour développer cet art populaire.
1922 : DMC ENTRE EN BOURSE DE PARIS
Après le premier conflit mondial, l’entreprise perd une partie de ses débouchés vers la RUSSIE avec la fermeture des frontières. Malgré cette perte, elle poursuit son développement, dans les colonies françaises en AFRIQUE et en ASIE. DMC est coté en bourse à Paris à partir de 1922. Sa croissance est continue , même après la Deuxième Guerre mondiale et jusque dans les années 60.
1961 : LES FUSIONS PRÉPARENT UNE LENTE DESCENTE AUX ENFERS
Dès 1961, DMC est fusionnée avec l’autre groupe textile français, THIRIEZ/ CARTIER BRESSON originaire du nord, c’est Gérard THIRIEZ qui prend la main. Sous l’impulsion des pouvoirs publics, une politique de regroupement des productions textiles est mise en œuvre, avec le rachat des activités de tissage , de tissage teint et d’impression sur tissu, et notamment la prise de contrôle de TEXUNION à Pfastatt et de KBC Lörrach en Allemagne. Descamps, linge de maison situé à Lille rejoint également le groupe. Cette stratégie s’avérera catastrophique pour une compagnie incapable d’élaborer en même temps des plans de développement cohérent sur les différents produits à la fois.
En 1984 Gérard THIRIEZ lâche la barre pour confier DMC à Julien CHARLIER ancien dirigeant de la sidérurgie belge (Cockerill Sambre)
Au début des années 60, le groupe compte encore 30 000 salariés, en 1998, il n’en comptera plus que 10 000. Le regroupement des diverses activités textiles françaises ne résistera pas à l’absence de politique industrielle cohérente en l’Europe et à la vague de délocalisation qui s’en suit, la concurrence des pays à bas coût de production fera le reste.
L’imagination qui était, parait-il, au pouvoir dans les années 60 ne l’a pas été dans les conseils d’administration et probablement pas dans celui de DMC . Le déclin se poursuit jusqu’en 2008 l’entreprise ne compte plus que 1100 salariés.
2008 : DES AVENTURIERS DE LA FINANCE PRENNENT LE CONTRÔLE DE DMC :
En 2008, c’est le dépôt de bilan et la liquidation judiciaire , le groupe KRIEF reprend les activités SCAI VELCOREX (production de velours) ainsi que l’activité des fils à broder . VELCOREX sera liquidé en 2010. Il ne reste donc plus que les fils à broder orientés vers les loisirs créatifs, redevenus à la mode.
Le groupe Bernard KRIEF fera la « une » de la presse spécialisée, ainsi le journal économique les « ECHOS » qualifie de sulfureux ce groupe qui finira devant les tribunaux pour des pratiques douteuses. En 2011, le plan de cession de l’activité fil à broder est contesté par le dépôt d’une plainte pour escroquerie au jugement de décembre 2008.
2016 : LES FONDS DE PENSION EN EMBUSCADE
En septembre 2016 le fonds d’investissement britannique « BlueGem Capital Partners » devient propriétaire de ce qui reste de l’activité de DMC c.a.d. :les fils à broder qui ont fait le succès planétaire de DMC ; la production se développe, broder est redevenu tendance dans ce monde numérisé dominé par l’écran.
2019 : CULBUTE FINANCIÈRE
Dernièrement nous avons pu lire dans la presse locale et spécialisée que le groupe «BuemGem Capital Partners » a revendu DMC à » Lion Capital » pour un montant trois fois supérieur à son prix d’acquisition en 2016.
Les fonds de pension se goinfre, on est très content en ALSACE d’apprendre que le savoir-faire alsacien assure désormais de bonnes retraites aux ressortissants anglais et américains détendeurs des fonds de pension. Comme de plus en plus d’entreprises alsaciennes sous la coupe des fonds de pension.
À tous ceux qui décrivent notre région comme étant habitées par une population repliée sur elle-même rêvant d’un isolationnisme culturel nous disons que l’Histoire de DMC démontre tout l’inverse. D’autres industries alsaciennes on fait de même pour la renommée de notre savoir-faire au service de l’humanité dans le monde entier, mais c’était au 19iem et au début du 20iem siècle bien avant que l’Europe ne tente laborieusement de s’unir afin de faire face aux puissances économiques que sont devenu la Chine ; les USA et bien d’autres encore .
Il n’y a pas que le vin d’Alsace et Kronenbourg qui ont fait notre réputation à travers le monde il y a un peu d’ALSACE partout en Afrique en Asie en Amérique et ailleurs, n’en déplaise aux partisans du GRAND EST mondialement inconnu.
La vie d’un travailleur chez DMC en entre 1799 et 1855 ( Paul Spaeklin)
Le certificat de travail rédigé par Daniel DOLLFUS indique que :
PAULUS Spaecklin de Zillisheim , né le 10/06 /1789, son père était tailleur, 1799 entré à l’établissement à Dornach comme manœuvre de blanchiment, il a continué de rester à l’établissement jusqu’à ce jour. N’a jamais été malade. Zillisheim est à 8 km de Dornach. Service effectif 56 années, 300 jours ouvrés, à 16 km par jour soit 4800km par an, en 56 ans 268 000 km, il a fait 6.5 fois le tour du monde à pied ;
Hubert et Marcel WOLFF